Construire des projets pour donner de l’espoir

Fin novembre, l’association de jumelage Montataire – Dheisheh a accueilli une délégation palestinienne de trois membres du comité populaire du camp de réfugiés de Dheisheh durant 4 jours intenses. Quitter la Palestine n’est jamais chose aisée ; encore plus depuis plus d’un an, avec le génocide en cours à Gaza. L’association de jumelage Montataire-Dheisheh a organisé avec joie la venue de ses hôtes dont le séjour avait pour thème le travail sur les projets autour du sport et de la jeunesse et bien sûr la sensibilisation de la population à la question palestinienne.

Cela fait quelques heures que les membres du bureau de l’association de jumelage Montataire – Dheisheh s’activent pour l’arrivée de la délégation palestinienne ce 29 novembre. L’excitation est palpable.
Mahmoud, Président du comité populaire, Hani, membre du comité et ancien prisonnier récemment libéré après 16 ans d’incarcération sous détention administrative pour « soupçon » ; et Ghada, militante féministe et responsable d’une association en lien avec le centre des femmes à Dheisheh franchissent le seuil de la porte de la salle que la mairie a mis à disposition de l’association : ils ont le sourire. Fatigué·e·s mais heureux·ses d’être là.
Deux adhérents de l’association se prêtent au jeu de la traduction. Monsieur le Maire, les membres du bureau de l’association de jumelage dont Romane Tuil, la Présidente, et Monsieur Michel Ringenbach, Président d’honneur du comité de jumelage Montataire Finsterwalde, les convient à un temps d’accueil des plus chaleureux. L’émotion est présente. Fernand Tuil n’est jamais loin. Il a fondé le premier comité de jumelage France Palestine. Il a été le maître d’oeuvre des comités de jumelages entre des villes françaises et la Palestine. Montataire fut la première ville à être jumelée… c’est grâce à Fernand et Ahmed…
C’était il y a plus de 35 ans…

Le camp de réfugiés de Dheisheh est le témoignage de l’évolution de la Palestine depuis 1948. Il a été créé de façon « temporaire » pour mettre à l’abri les populations qui fuyaient la création d’Israël. D’une surface de moins d’un kilomètre carré, 20 000 réfugiés y vivent de façon pérenne.
Surpeuplé, le camp ne dispose d’infrastructures que grâce à l’organisation du comité populaire, l’équivalent d’une commune en France, et à l’aide internationale.
Les conditions de vie y sont difficiles, l’accès est limité à l’eau potable, à l’électricité, aux soins médicaux etc. Le camp ne compte aucun espace vert. Pour aller jouer au football avec ses enfants, Mahmoud, raconte qu’il doit sortir du camp. Or, il n’y a pas de transports en commun, cela peut prendre beaucoup de temps. Pour une sortie aussi anodine, sortir du camp, c’est toujours prendre un risque.

Les membres du comité populaire expliquent les projets importants comme l’acquisition de générateurs permettant de maintenir l’électricité dans les maisons. Malheureusement un seul sur les trois nécessaires a pu être financés.
Pour offrir un meilleur accueil à la jeunesse, le comité populaire avait lancé, il y a cinq ans, la construction d’une salle destinée aux sports. Bien plus que cela, cet espace permettait un lien social important, un lieu de rencontre et un espoir pour la jeunesse. Aujourd’hui, seul le squelette de la salle est construit. Une équipe féminine de basket était prévue pour s’y entrainer. Le camp de Dheisheh comptait une équipe féminine de volleyball championne de Palestine. Mais tout cela s’est arrêté.
Or, depuis le 7 octobre 2023, les aides internationales se raréfiant, avec notamment la remise en cause des aides de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), le comité populaire ne peut même plus faire face aux dépenses nécessaires aux besoins du quotidien. La situation est également très difficile pour les femmes. Ghada témoigne : « Être femme en Palestine, c’est supporter toutes les souffrances de la société palestinienne. C’est souvent être la mère d’un martyr, la femme d’un prisonnier ou la fille d’un disparu.
Elles représentent 49% de la population mais supporte 100% de la souffrance ! ». Trouver un travail pour une femme relève de l’impossible. Aussi s’organisent-elles solidairement. « Les unes apprennent aux autres à faire du pain, par exemple, pour ensuite aller le vendre sur le marché. Une association a été créée pour appeler aux dons pour une femme qui devait se faire opérer du genou. Il n’y a pas d’assurance maladie en Palestine. »
Il faut dire que les aides de l’UNRWA n’arrivant qu’au comptegoutte, il n’y a plus le minimum pour les femmes. Aussi le projet de revalorisation du centre pour femmes existant est abordé.
À Dheisheh, il y a un centre pour les femmes. Avant il y était proposéde nombreuses activités comme la couture, la cuisine, un centre de beauté. Or, le bâtiment édifié en 1990 a besoin d’être rénové. L’idée serait de mettre à disposition des salles pour chaque activité. Tout est une question de moyens qui peinent à arriver. Aujourd’hui, les femmes se trouvent confrontées à deux problèmes majeurs : la santé et l’économie.

©Comité de jumelage Montataire-Dheisheh

Il existe un organisme, un peu comme Pôle emploi en France, où il est possible de s’inscrire quand on cherche du travail. Mais il n’y en a pas. Le lien économique entre la Palestine et Israël est très important. Or la guerre a arrêté les relations économiques. 80% de la population palestinienne est pauvre. Les réfugiés doivent aller travailler en Israël. Mais depuis la guerre, on ne trouve plus de travail. Mahmoud explique : « Tout transite par Israël quand il s’agit de financer la Palestine. Or, le gouvernement d’Israël a bloqué 9 milliards de dollars qui devaient aller à la Palestine. L’État ne donne plus d’argent. Heureusement la solidarité s’organise. Mais les projets que le comité avait prévu de relancer comme la salle de sport et la rénovation du centre de femmes sont freinés. Nous savons que la relance de cette salle par exemple donnerait de l’espoir, qui permettrait d’avancer
en dehors de la guerre en dehors de la politique. »

Le comité populaire élu tous les trois ans est composé de 9 membres. L’équipe présente aujourd’hui a été élue récemment. Elle souhaite fortement travailler avec l’association de jumelage sur ces deux axes : la jeunesse, le sport et l’accompagnement des femmes.

Cependant, il ne peut être question de parler de Dheisheh sans aborder Gaza. Mahmoud annonce « Gaza et les autres territoires c’est indivisible. Les massacres, les actes inhumains sont vécus à Gaza, mais c’est toute la Palestine qui les ressent. Gaza c’est l’incarnation de la cause palestinienne ! »
Hani complète : « De Gaza à Dheisheh il y a forcément un lien familial. On a tous une personne de la famille qui vit là-bas. On essaie d’organiser la solidarité. Mais quand on n’a rien…
Nous n’attendons pas grand choses de l’élection de Trump. Ce qui est dangereux pour nous, c’est qu’il est pro colon. Les colons fonctionnent toujours selon le même principe : priver la population de tous moyens, brûler les terres, prendre les maisons avec l’aide de l’armée israélienne avec la même idée : déplacer les populations vers les pays limitrophes. »
Le président du comité populaire conclut : « En réalité il y a deux guerres : celle qui est la plus visible, celle que nous voyons à Gaza et l’autre dans les camps pour éviter les retours de populations dans leur maison. Dans les camps, la pauvreté a atteint un niveau jamais vu. Les habitants sont affamés et la baisse des aides, en particulier de l’UNRWA participe à cette situation. La population se tourne vers le comité pour obtenir de l’aide car les associations ne peuvent plus aider. Aussi le comité ne peut que remettre ses projets à plus tard. Nourrir ses habitants est devenu le besoin de première nécessité auquel il faut répondre. Nous espérons que la pression internationale permettra à l’UNRWA de reprendre son rôle de soutien. »

Ce moment de rencontre avec l’association et la ville représente bien plus qu’un simple déplacement. C’est un acte de liberté retrouvée. Hani, ancien détenu palestinien, témoigne : « Avec ce voyage, j’ai l’impression d’être sorti de prison pour la deuxième fois. »

L’association de jumelage Montataire-Dheisheh : son rôle, ses projets

Montataire, première ville au monde à s’être jumelée avec un camp de réfugiés palestiniens en 1989. Cette initiative de jumelage a été portée par l’idée visionnaire de Fernand Tuil, juif tunisien, communiste et Ahmed Muhaisen, palestinien qui ont eu le pari audacieux de jumeler des camps de réfugiés palestiniens avec des villes françaises. L’objectif était de mettre en lumière la question des réfugiés palestiniens, un enjeu central et hautement politique du conflit israélo-palestinien, en contribuant à leur visibilité.

Association Montataire-Dheisheh une association politique

Notre engagement, en tant qu’association, est de sensibiliser et de mener des initiatives de solidarité, qu’elles soient culturelles ou politiques à Dheisheh et à Montataire, comme par exemple en 2024 : Forum des associations, Fête du Livre avec l’auteur Karim Kattan, Festival de danses et musiques du monde, Fête de la Paix, Multiples rassemblement de solidarité, Mise en place d’un projet de francophonie en partenariat avec le MEAE
(Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) : cours de français dispensés dans le camp de réfugiés de Dheisheh pour 15 élèves (12 à 14 ans) qui ont commencé en octobre 2024, avec échanges épistolaires et visio prévus à partir du mois de janvier avec les ados du centre aéré de Montataire, accueil d’une délégation de 23 jeunes femmes sportives palestiniennes dans le cadre des JOP le 31 juillet à Montataire, accueil d’une délégation de représentants du comité populaire du camp de réfugiés de Dheisheh du 29 au 2 décembre

Les activités en 2025 :

  • Organisation d’un temps fort politique (conférences) et projection cinéma
  • Continuité du projet de l’apprentissage du français
  • Réflexion en cours sur la construction de nouveaux projets suite à la venue de la délégation

Informations

Association de jumelage Montataire – Dheisheh